Les mots-sangsues

Ça fait 2 ans et demi que c'est fini... Et pourtant 2 ans et demi que je continue à me battre... Comme si j'avais vendu mon âme au diable, et qu'il continue à me hanter partout où je suis, partout où je vais... partout où il est... Surtout partout où ELLE pourrait être... Le diable peut aussi être une femme...

J'ai tenté de l'exorciser à grand coup de psychothérapies,  d'anti-dépresseurs, d'anxiolytiques en tous genres... Juste pour ne plus avoir peur...

La peur, mais pas n'importe quelle peur!

Une peur qui prend aux tripes, qui paralyse, qui tétanise, qui fait battre mon coeur bien plus vite que je ne pourrais courir si j'en avais les moyens... Une peur qui glace mon sang instantanément et qui m'empêche de produire tout mouvement, qui fige chaque muscle de mon corps jusqu'à m'empêcher de respirer...

"Dépression post-traumatique", "victime"... Des mots que je hais mais qui font partie de moi, des mots qui me collent à la peau comme des sangsues que je voudrais arracher mais qui restent...                                            

Qui restent et qui aspirent toute mon énergie et mes pensées, qui me répugnent à m'en donner la nausée, qui m'empêchent de me nourrir, de dormir, de vivre...
Des mots qui me renvoient à ce que j'ai vécu... Ce vécu là, celui que je voudrais voir tomber dans les ténèbres de l'oubli...

Ça fait 2 ans et demi...                                                                                                  

J'avance, avec mes hauts et mes bas...                                                                                   

Je porte mon sourire comme un masque pour cacher mes cicatrices. Parfois, je croise un regard, et je pense: "cette personne a compris, elle a vu"...                                                    

Et j'ai honte... honte qu'elle sache... Si elle savait... Elle a deviné que je ne suis rien, que je ne vaut rien, que je suis coupable d'être victime, coupable de ne pas m'être défendue... j'essaie de me raisonner, puis je tourne tout dans ma tête, encore et encore, je surligne mentalement chacun de mes gestes au gros fluo rouge... Et je trouve milles réactions de défenses... Et tout autant de bonnes raisons d'avoir été sa victime...

Depuis j'évite les miroirs qui me renvoient une image qui ne semble plus m'appartenir. 

Parfois je m'y attarde un peu quand même, et je me dégoûte, avant de me dépêcher de me dessiner une belle image toute propre, pour cacher tout ce que je suis en dessous... Créer un genre de mirage, une prison de maquillage... Comme de la poudre magique que je répands partout sur mon corps et qui me donnera peut être l'énergie suffisante pour affronter le monde, la foule, les autres, leurs regards et leurs jugements...

Et elle... Elle... si je la croisais... Elle...                                                                                     

Je voudrais à la fois trouver la force pour lui crier tout le mal qu'elle m'a fait et qu'elle continue de me faire par les souvenirs qu'elle a graver en moi, tout en lui envoyant le mirage de la personne que je voudrais être maintenant, mais que je ne suis pas: "et non, tu ne m'a pas vaincue!!"

Puis est venu ce jour, où je suis devenue coupable de m'être plongée toute entière dans le silence, en lui permettant ainsi, d'aligner d'autres victimes à son palmarès...                         

De nouvelles victimes, qui eux, ont eu le courage de parler... Ma culpabilité vis à vis d'eux m'a fait rédiger "ce truc là", ce tas de mots pourris relatant avec précision ce que j'ai vécu et cet espèce de "chose" que je suis devenue... Ce témoignage qui est le mien, et complètera les leurs...                                                                                                                                      

Je leur dois bien cela! Même si ce fût comme ré-ouvrir une plaie douloureuse que j'avais à peine commencé à soigner.

Alors, un jour, j'ai décidé de mourir...                                                                                   

C'est pas que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue... Mais plutôt que la vie ne mérite pas que je la vive...

Ce jour là, j'ai passé ma journée à préparer ceux qui, par je ne sais quelle miracle, réussissent à m'aimer... A préparer ma mort, et les instants qui suivraient... En apprêtant d'avance les  vêtements que mes enfants porteraient ce jour-là, jusqu'à ma voiture que j'ai placé devant chez moi de manière à ce que le corbillard puisse se placer plus facilement le matin... J'ai pensé tout, dans les moindres détailles, comme pour apaiser un peu la douleurs de ceux qui ont eu le malheur d'aimer quelqu'un d'aussi détestable que moi.                                            

Le soir venu, j'ai ouvert ma pharmacie, rassemblé de quoi tuer un cheval...                       

Puis, dans un instant où j'ai retrouvé un semblant de bon sens dans mon esprit... Je n'ai pas pu!                                                                                                                                     

Aucun membre de ma famille ne mérite de vivre un moment comme celui là...                     

Puis même si moi je n'en peux plus, je refuse que mes proches deviennent des victimes collatérales, je refuse de leur transmettre ces mots-sangsues qu'ils porteront en héritage pour moi toutes leurs vies!                                                                                                                   

Non, elle ne m'a pas vaincue!!                                                                                                

Ni elle, ni la dépression qu'elle a fait naître en moi...

Je suis là et je suis debout! Je ne suis plus tout à fait moi, mais je suis là!                             

J'ai le dos courbé par le poids des souffrances, me je peux encore marcher!                      

Non elle ne m'a pas vaincue et NON elle ne me vaincra pas!!

J'ai beau le dire, ça sonne faux en moi, mais je finirai peut être par m'en convaincre, je trouverai la force pour guérir ce qui est blessé, je trouverai la force de renaître de ce qui est en cendre au fond de moi... Et je serai à nouveau moi!

Doro